Où trouver la croissance ?

Publié le par Risk-value

De Washington à Pékin en passant par Paris, Bonn et Madrid, s’il est un point qui fait consensus dans le discours politique c’est la nécessité de la croissance économique pour sortir de la crise. « Vaste programme » aurait dit le Général de Gaulle s’il était encore de ce Monde. L’objectif est louable et politiquement porteur, mais les moyens pour l’atteindre sont-ils compatible avec nos modèles de société ? Sommes-nous prêts à affronter les réalités du XXIème siècle ? Aurons-nous la force de caractère et le courage politique d’assumer nos choix ?

 

Sur moyenne période la croissance économique diminue avec le revenu par tête d’habitant puis a tendance à se stabiliser au-delà de quinze mille Euro par habitant en suivant le taux de croissance démographique de chacun des Etats. Cette « loi de la nature » a connu peu d’exceptions. La succession des guerres et des crises pouvait entrainer des fractures mais la tendance était claire. Au vu des taux de croissance démographique de l’Europe, sa poursuite ne serait pas de bon augure. Le « Grand Basculement » et l’inversion des raretés auxquels nous allons bien devoir nous adapter va-t-il modifier positivement ou négativement la tendance ? Là encore la réponse ne sera pas homogène.

 

L’Europe avant de fléchir sous les coups combinés du modèle global largement inspiré par les Etats-Unis, de la dérégulation qui l’a accompagné et du succès de la Chine et des autres pays émergents a longtemps réussi à préserver son modèle social grâce à des efforts considérables de productivité. Est-il besoin de rappeler qu’en 1993, un rapport du Mc Kinsey Global Institute pointait déjà du doigt les dangers du système social Européen. A la même époque, le MIT’s International Institute s’alarmait des différences de productivité entre le Japon, les Etats-Unis et l’Europe dans l’industrie automobile, à l’époque première industrie manufacturière à l’échelle mondiale. Alors que l’Europe avait besoin en moyenne de 36 heures pour produire un véhicule standard, que les Etats-Unis n’avait besoin que de 25 heure et le Japon de 17 heures qui aurait pensé que Volkswagen pourrait-être vingt ans plus tard le premier producteur de véhicule mondial, que GM serait nationalisé après une faillite retentissante et que Toyota pourrait perdre sa réputation de qualité irréprochable ? Quoiqu’on en pense l’Europe a du ressort. Les fâcheux diront que l’Allemagne n’est pas l’Europe, qu’elle n’y est qu’un rare îlot de prospérité, que ses partenaires économiques s’irritent de son manque de solidarité et de la rigidité dont elle fait preuve en voulant faire de l’Euro l’étalon or du XXIème siècle pour profiter de la relative faiblesse de sa devise au regard de la force de son économie. Ses zélateurs mettront en avant sa capacité à maintenir son tissu industriel, augmenter ses parts de marchés sur les marchés internationaux et mieux encore s’être positionné sur des produits à forte valeur ajoutée. Rien ne peut se construire en Europe sans l’Allemagne et elle n’aurait pas sa puissance actuelle sans l’Union Européenne.

 

L’Europe s’est construite sur la base de la subsidiarité et du consensus. Son fonctionnement y perd en vitesse de réaction mais son poids économique est encore bien réel. Le modèle de croissance du XXème siècle était basé sur une consommation locale de biens et services produits localement et protégés par des frontières tarifaires. La création de l’OMC en 1994 a définitivement mis fin à ce mode de fonctionnement. L’ouverture de la Chine et son adhésion à l’OMC a mis sur le marché une main d’œuvre abondante et extrêmement bon marché. La mise en œuvre de ce que Jean-Michel Sevérino et Olivier Ray ont  dénommé le modèle « Cargo export [i]» a détruit une grande partie du tissu industriel des pays du Nord, la quasi-totalité de l’industrie textile dans le Monde, favorisé la délocalisation des entreprises multinationale, et « permis un phénomène macroéconomique improbable : la cohabitation sur une longue durée d’une croissance mondiale importante et d’une inflation très modérée ». Accessoirement, le développement de la Chine a très largement contribué à celui des pays producteurs de matières premières et aux exportateurs allemands et japonais de produits d’équipement. La réalité du XXIème siècle est différente de tout ce que nous avons connu. L’homme n’est plus une ressource rare. La valeur relative du prix du travail a peu de chance d’augmenter à court terme. La division internationale du travail va conduire à des déplacements des zones de production au fur et à mesure que les coûts du travail vont s’apprécier. La Chine a déjà commencé à délocaliser une partie de sa production au Vietnam et dans l’Océan Indien. Churchill qui n’a jamais été aussi bon politique qu’en temps de guerre professait : « Nous devons prendre le changement par la main, sans quoi il nous prendra par la gorge ».

 

Les pays de l’OCDE viennent de vivre la crise économique la plus importante de leur génération. Selon les derniers chiffres de l’OIT le taux de chômage mondial des jeunes de 15 à 24 ans se serait situé à 13,6 pour cent en 2011, sans prévision d'amélioration avant 2016. Les statistiques périodiques américaines mettent par ailleurs en évidence que seuls les investissements manufacturiers sont générateur d’emploi. La réversibilité du grand mouvement de désindustrialisation observé depuis plus de vingt ans est extrêmement improbable sans une régulation internationale susceptible de réduire les  trop grandes disparités de concurrences et promouvoir, par la contrainte s’il le faut, le développement d’une économie plus protectrice de l’environnement et plus socialement responsable. La crise actuelle a déjà fait tomber 17 gouvernements. Le populisme se répand de la Hongrie à la Grèce en passant par l’Autriche et la France. L’Europe n’arrive pas à sortir de ses contradiction, l’économie américaine est encore très hésitante, la Chine et les autres pays émergents voient leur taux de croissance se réduire. Imaginer dans un tel contexte qu’une régulation mondiale puisse émerger et offrir une vision d’espoir au 75 millions de jeunes sans emploi n’est pas raisonnable. Mais le pire n’est jamais certain et « Si la raison dominait sur la terre, il ne s’y passerait rien[ii] »

 


[i] Jean-Michel Sevérino et Olivier Ray le Grand Basculement 

[ii] Fontenelle

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<br /> Voir Blog(fermaton.over-blog.com)No.20 - THÉORÈME des BULLES. - Conscience et Corrélation ?<br />
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