Et si Alan Greenspan s’avérait n’être qu’une victime expiatoire de la Grande Récession?

Publié le par Risk-value


Dans son édition du 5 février dernier, Fortune Magazine titrait 


Alan Greenspan fights back


Greenspan blog 230210

Alan Greeenspan ne serait-il qu’une victime de la vindicte populaire, ce que nous, Français, avons l’habitude de qualifier de “pensée unique” ? Ce mal bien français aurait-il traversé l’Atlantique? Sans se prononcer vraiment sur le fond, le magazine américain relevait non sans une pointe d’ironie le consensus général sur la culpabilité du « Plus grand Banquier central que l’Histoire ait connue ». Des pages éditoriales du Boston Globe, plutôt classé à gauche, du Wall Street Journal sur l’aile droite de l’échiquier politique, de l’Institute for Policy Studies, think tanks “liberal” à l’ultra conservateur Cato Institute, et jusqu’au très keynésien prix Nobel Paul Krugman et au rationaliste Gary Becker, tous s’accordaient pour faire porter le blâme sur le Maestro Alan Greenspan.


Seul ce dernier semblait douter de sa culpabilité en argumentant sa défense sur le caractère global de taux d’intérêts durablement bas et sur la responsabilité des déséquilibres mondiaux comme catalyseurs des taux bas.


Greenspan dénonce la prétendue corrélation entre la bulle immobilière et les taux d’intérêts bas en s’appuyant sur une étude du très reconnu Professeur Robert Shiller, de l’Université de Yale, qui fait autorité sur le marché immobilier américain. Celui-ci date en effet à 1998 le démarrage de la bulle, soit quatre ans avant que la politique de la Fed ne déroge à la sacro-sainte règle de Taylor.


De plus, Greenspan rappelle que les taux hypothécaires ont commencé à baisser six mois avant que ne baissent les taux des Fed funds et que s’il est vrai que la Fed dirige les taux d’intérêts américains, il est également vrai que la bulle immobilière a été globale et non pas limitée aux Etats-Unis. Sur ce point, il fait référence à une étude du Fonds Monétaire International qui montre que 20 pays ont fait l’expérience de bulles immobilières sur la même période et que 11 de ces bulles furent pires que l'américaine. Les pires étant : l’Irlande, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne. Pour Greenspan cela serait un non-sens d’imaginer que les décisions monétaires de la Fed aient pu nourrir l’inflation immobilière mondiale de la Suède à la Nouvelle Zélande.


Au contraire, il lui semble plus logique d’expliquer ce phénomène d’inflation des actifs par l’accroissement de l’épargne mondiale à la suite du passage de la Chine et d’autres pays à l’économie de marché au début des années 90. Ces pays étant devenus plus productifs, ils ont été très largement à l’origine du « tsunami » de capitaux qui s’est déversé sur l’ensemble des marchés mondiaux. Cet afflux de capitaux a naturellement tiré vers le bas l’ensemble des taux d’intérêts dans le monde, découplant de fait les taux des marchés hypothécaires des taux des Feds funds, et ces derniers de la nature globale du boom immobilier.


Nous laisserons au lecteur le soin d’apprécier la pertinence des arguments avancés sur le sujet par Alan Greenspan et John Taylor (le père de la règle de Taylor et accessoirement Professeur à l’Université de Stanford) ainsi que l’arbitrage intellectuel du Fonds Monétaire International sur le sujet en se rendant sur le site de Fortune.


Si vous ajoutez à la surabondance d’épargne mondiale, l’incroyable complexité de la titrisation du marché hypothécaire, mal comprise par les agences de notation, et l’atmosphère euphorique des périodes de boom, vous arriverez à la conclusion que la Fed est exempte de blâme sur la question. Si vous adhérez aux arguments avancés par Alan Greenspan vous conclurez que certes la bulle était évidente mais que la Fed ne pouvait pas faire grand-chose pour la stopper d’une manière responsable, à savoir sans conduire l’économie dans une récession permanente en poussant les taux d’intérêts à court terme à 10%.


Alan Greenspan ne se consume pas dans le remords qu’aurait pu lui causer sa culpabilité et un quelconque sentiment d’être à l’origine de la « Grande Récession ». Son retour à son activité de consultant ne manque pas de clients, de PIMCO à Paulson & Co., le hedge fund qui a fait des milliards en pariant sur l’explosion du marché immobilier.


Seules interrogations encore sans réponse pour le Maestro : Pourquoi les mécanismes d’auto-régulation n’ont pas fonctionné alors que les acteurs à l’origine de la crise - Bear Stearns, Lehman Brothers, AIG (AIG, Fortune 500), Citigroup (C, Fortune 500), Merrill Lynch et autres - ne pouvaient qu’avoir conscience du caractère catastrophique de de la bulle immobilière sur leur propre intérêt ?


Jean-François Casanova

Président de Strategic Risk Management

 

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