Pourquoi le caractère irrationnel de nos décisions est-il si prévisible?

Publié le par Risk-value

Confronté à une situation de prise de décision en situation d’incertitude, l’homme et le singe font preuve de la même (ir) rationalité, tel est le constat de Laurie Santos, un Professeur de Psychologie à l’université de Yale.


 

L’analyse de l’asymétrie avec laquelle nous prenons des décisions, selon qu’elles impliquent un gain ou une perte, a nourri des générations de statisticiens, de sociologues, d’économiste et plus récemment d’analystes des marchés financiers.


Longtemps considéré comme rationnel l’ Homo Economicus a perdu beaucoup de son lustre avec les travaux de Kahneman et Tversky qui peuvent être notamment illustrés par les deux expériences suivantes :


Dans une première expérience, ils demandent à un groupe de personnes de choisir entre 80% de chance de gagner 4000$ et 20% de chance de ne rien gagner et 100% de chance de recevoir 3000$. Alors même que la prise de risque offre une espérance de gain supérieure (4000$*80%=3200$), la plupart des sujets interrogés  choisissent les 3000$ respectant encore le principe d’aversion au risque déjà évoqué il y a bien longtemps par Bernouilli.


Poussant l’expérience un peu plus avant,  Kahneman et Tversky proposent alors au même groupe de personnes  le choix suivant : 80% de chance de perdre 4000$ et 20% de chance de ne rien perdre contre 100% de chance de perdre 3000$.  Face à cette alternative 92% des personnes interrogées vont choisir la prise de risque alors même que l’espérance de perte leur est défavorable (3200$ contre 3000$).

 

Si « Dieu ne joue pas aux dés », les hommes ne semblent pas non plus assujettir leurs prises de décision au calcul des probabilités. On pourra toujours arguer que dans les expériences précédentes l’Homo Economicus n’était pas placé dans une situation qui soit de nature à lui assurer qu’il disposerait  d’un nombre de tirages suffisant pour satisfaire à la réalisation des probabilités associées à chacun des résultats attendus, mais sans doute ce raisonnement de puriste est vraisemblablement plus intuitif que réfléchi. 

 

Là où l’expérience de Laurie Santos est passionnante, c’est que les singes réagissent exactement de la même manière que les hommes.

 

Si nous reprenons son expérience nous constatons que les hommes font preuve du même instinct de survie afin d’éviter de perdre quelque chose qu’ils possèdent déjà :

 

A la question,  si vous 1000$ et si vous avez le choix entre :


Prendre un risque

 

Pile => vous augmenter votre richesse de 1000$

Face => vous ne recevez rien de plus

Ne pas prendre de risque

 

Vous recevez 500$ de plus avec certitude

 

 

La réponse est le plus souvent ne pas prendre de risque et encaisser 500$ avec certitude.

Si maintenant on leur pose le problème suivant, on vous donne 2000$ et on vous offre deux moyens de les perdre :


En prenant un risque

 

Pile => vous perdez 1000$

Face => vous ne perdez rien

Sans prendre de risque

 

Vous perdez 500$ avec certitude

 

 

A réponse est alors presque systématiquement une prise de risque, alors même que l’absence de prise de risque conduit dans les deux cas proposés au même résultat avec un gain de 1500$.

Comment expliquer ce goût nouveau pour la prise de risque ?

 

Dans le premier cas, les personnes interrogées reçoivent une bonification certaine (un gain) de 500$, dans le second l’absence de prise de risque conduit à une pénalisation certaine (une perte) de 500$, face à une telle situation l’homme comme le singe sont prêts à prendre un risque supplémentaire, équivalent dans l’expérience de Santos et même totalement irrationnel dans celle de  Kahneman et Tversky, puisque ce dernier leur est défavorable.

 

Santos apporte deux explications complémentaires à ce comportement apparemment irrationnel : 


·   Notre instinct nous pousse à raisonner en termes relatifs, nous avons de grande difficultés à raisonner en terme absolu, nous y voyons pour notre part une bonne explication du succès de la gestion « Benchmarkée »

·   Nous ne supportons pas de perdre quelque chose que nous possédons déjà même si cela doit nous conduire à prendre plus de risques, ceci doit également expliquer en partie la volonté de conserver des positions perdantes alors même que le marquage au marché est déjà négatif et que les perspectives/probabilités de retour à un marquage au marché positif sont particulièrement faibles

 

Santos en conclut logiquement que l’Homo economicus est irrationnel, que les marchés financiers le sont aussi, mais que ce n’est pas une raison pour que nous continuions à prendre des décisions irrationnelles !

 

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Jean-François Casanova

PDG de Strategic Risk Management

Publié dans Gérer l'incertitude

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<br /> Description : Mon Blog(fermaton.over-blog.com),No-5, THÉORÈME DES DÉGUISÉS. - DES PROBABILITÉS ??<br />
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